Reprise.
Un mot qui fait peur à tous les vacanciers de La Crise, ceux là même qui sont partis sans un sou loin de leurs problèmes d'argent.
Mais aujourd'hui j'ai mon beau costume marron, ma chemise marron rayée de blanc. Et puis mes chaussures en cuir, marron elles aussi. Ah, et un maillot de corps. Noir. Ce détail mis à part, je suis donc un homme brun, habillé de marron, qui part remplir sa carte bleue dans un bâtiment blanc dont les fenêtres donnent sur un ciel gris.
C'est donc la reprise, une longue journée s'annonce. Je pose ma veste, j'ouvre ma session. Un rituel si récent et pourtant déjà si familier. Les problèmes en cours, les collègues qui me demandent si je suis radioactif, la machine à café où on parle du "Sacre d'Hollande" et des infinitésimales chances de victoire du XV face aux Blacks. La cantine, les épinards. L'après-midi passé à étudier certains problèmes et à en clôturer d'autre, sponsorisé par mes amis Ristretto et Arpeggio.
Mais toute journée de travail a une fin, une soirée, et celle-ci aura bien son happy ending. Le RER qui m'attend sur le quai avec ses nombreuses places assisses ensoleillées est déjà un premier signe qui ne trompe pas. Pas d'attente, pas de ralentissement, pas de stress, et avec comme destination les lèvres de ma moitié, ne serait-ce que pour un court instant, entre 2 quais bondés. Je pourrais même lui proposer un ciné tiens, The Artist passe en ce moment.
Bon, je me contenterais du film, ça m'assurera une place de choix en plein centre de la salle. Mais il est déjà 18h52, et la séance de 18h45 se rapproche dangereusement. Ma précision de montre suisse ne me fera pas défaut cette fois-ci non plus, et les jambes se rétractent sur les sièges pendant que le logo Universal passe sur l'écran. Rien de perdu, personne de gêné.
"Assez parlé de moi, parlons de mon oeuvre"
Ou plutôt de celle portée à l'écran par Michel Hazanavicius, incarnée entre autres par Jean Dujardin et Bérénice Bejo et composée par Ludovic Bource, The Artist.
La critique est un exercice difficile. J'ai envie de vous parler de ce film, de vous dire à quel point il est bien filmé, réalisé, photographié, mis en scène. A quel point les acteurs sont criants de vérité, et comment la musique nous transporte de Le Début à The End. Mais je ne peux pas faire ça, car je ne veux pas vous dévoiler ce petit bijou. Je ne veux vous laisser que l'entrevoir avec cette affiche, avec l'envie d'en voir plus dans une salle obscure, là maintenant tout de suite. Ne pas m'étaler sur le prix d'interprétation reçu et mérité par Dujardin à Cannes, ne pas vous donner le lien vers la splendide bande-annonce de 2mn30, ne pas vous parler des prestations hors du temps livrées avec bonheur par tous les acteurs, qu'ils soient premiers rôles ou figurants.
Et puis, entre nous, qui irait voir un film français muet en 4/3 et en noir-et-blanc?!? La place coûte assez cher comme ça, si c'est pour ne voir que la moitié de l'écran, non-merci. Qu'on m'amène un Avatar que je voie en 3D sombre tous ces détails qui ont coûté des millions!
Ou alors qu'on m'amène une histoire d'amour dans le Hollywood des années 20. Une histoire de musique, de parole et de silences: le silence des panneaux, écrits en anglais pour leur contexte et sous-titrés en français pour notre compréhension. Et le silence du public, qui attend avec fébrilité le moindre changement de mélodie dans l'espoir d'un retournement de situation, d'un regard qui va tout changer.
Et ces bruits, qu'on n'aurait jamais cru réentendre dans un cinéma: le pop-corn 20 sièges plus loin, qui essaye de se faire oublier. Les rires et les sourires. Et puis le bruit de sa propre respiration, haletante, accrochée à la partition comme la partition est accrochée à l'image.
Et les applaudissements, ceux qui récompensent un beau spectacle, une escapade d'1h40 qu'on veut partager, pour que chacun puisse profiter de cette pépite diffusée sur écran argenté.
Ma soirée s'est terminée à un restaurant japonais, assis sur une chaise marron, et avec sur ma table marron devant mes yeux, et un instant plus tard dans mon estomac, une assiette de Yakisoba, des pâtes grillées, d'une couleur proche du marron. C'est toujours aussi bon, deux semaines n'auront pas suffit à me vacciner de la cuisine japonaise. Mais c'est un autre sujet que je garde pour un autre article. D'ici là, il est temps pour moi de laisser défiler dans mes rêves le générique de cette excellente journée, pour profiter un tant soit peu de la courte nuit qui s'annonce. Bonne nuit à tous.
Un mot qui fait peur à tous les vacanciers de La Crise, ceux là même qui sont partis sans un sou loin de leurs problèmes d'argent.
Mais aujourd'hui j'ai mon beau costume marron, ma chemise marron rayée de blanc. Et puis mes chaussures en cuir, marron elles aussi. Ah, et un maillot de corps. Noir. Ce détail mis à part, je suis donc un homme brun, habillé de marron, qui part remplir sa carte bleue dans un bâtiment blanc dont les fenêtres donnent sur un ciel gris.
C'est donc la reprise, une longue journée s'annonce. Je pose ma veste, j'ouvre ma session. Un rituel si récent et pourtant déjà si familier. Les problèmes en cours, les collègues qui me demandent si je suis radioactif, la machine à café où on parle du "Sacre d'Hollande" et des infinitésimales chances de victoire du XV face aux Blacks. La cantine, les épinards. L'après-midi passé à étudier certains problèmes et à en clôturer d'autre, sponsorisé par mes amis Ristretto et Arpeggio.
Mais toute journée de travail a une fin, une soirée, et celle-ci aura bien son happy ending. Le RER qui m'attend sur le quai avec ses nombreuses places assisses ensoleillées est déjà un premier signe qui ne trompe pas. Pas d'attente, pas de ralentissement, pas de stress, et avec comme destination les lèvres de ma moitié, ne serait-ce que pour un court instant, entre 2 quais bondés. Je pourrais même lui proposer un ciné tiens, The Artist passe en ce moment.
Bon, je me contenterais du film, ça m'assurera une place de choix en plein centre de la salle. Mais il est déjà 18h52, et la séance de 18h45 se rapproche dangereusement. Ma précision de montre suisse ne me fera pas défaut cette fois-ci non plus, et les jambes se rétractent sur les sièges pendant que le logo Universal passe sur l'écran. Rien de perdu, personne de gêné.
"Assez parlé de moi, parlons de mon oeuvre"
Ou plutôt de celle portée à l'écran par Michel Hazanavicius, incarnée entre autres par Jean Dujardin et Bérénice Bejo et composée par Ludovic Bource, The Artist.
La critique est un exercice difficile. J'ai envie de vous parler de ce film, de vous dire à quel point il est bien filmé, réalisé, photographié, mis en scène. A quel point les acteurs sont criants de vérité, et comment la musique nous transporte de Le Début à The End. Mais je ne peux pas faire ça, car je ne veux pas vous dévoiler ce petit bijou. Je ne veux vous laisser que l'entrevoir avec cette affiche, avec l'envie d'en voir plus dans une salle obscure, là maintenant tout de suite. Ne pas m'étaler sur le prix d'interprétation reçu et mérité par Dujardin à Cannes, ne pas vous donner le lien vers la splendide bande-annonce de 2mn30, ne pas vous parler des prestations hors du temps livrées avec bonheur par tous les acteurs, qu'ils soient premiers rôles ou figurants.
Et puis, entre nous, qui irait voir un film français muet en 4/3 et en noir-et-blanc?!? La place coûte assez cher comme ça, si c'est pour ne voir que la moitié de l'écran, non-merci. Qu'on m'amène un Avatar que je voie en 3D sombre tous ces détails qui ont coûté des millions!
Ou alors qu'on m'amène une histoire d'amour dans le Hollywood des années 20. Une histoire de musique, de parole et de silences: le silence des panneaux, écrits en anglais pour leur contexte et sous-titrés en français pour notre compréhension. Et le silence du public, qui attend avec fébrilité le moindre changement de mélodie dans l'espoir d'un retournement de situation, d'un regard qui va tout changer.
Et ces bruits, qu'on n'aurait jamais cru réentendre dans un cinéma: le pop-corn 20 sièges plus loin, qui essaye de se faire oublier. Les rires et les sourires. Et puis le bruit de sa propre respiration, haletante, accrochée à la partition comme la partition est accrochée à l'image.
Et les applaudissements, ceux qui récompensent un beau spectacle, une escapade d'1h40 qu'on veut partager, pour que chacun puisse profiter de cette pépite diffusée sur écran argenté.
Ma soirée s'est terminée à un restaurant japonais, assis sur une chaise marron, et avec sur ma table marron devant mes yeux, et un instant plus tard dans mon estomac, une assiette de Yakisoba, des pâtes grillées, d'une couleur proche du marron. C'est toujours aussi bon, deux semaines n'auront pas suffit à me vacciner de la cuisine japonaise. Mais c'est un autre sujet que je garde pour un autre article. D'ici là, il est temps pour moi de laisser défiler dans mes rêves le générique de cette excellente journée, pour profiter un tant soit peu de la courte nuit qui s'annonce. Bonne nuit à tous.
- The End -